Dans cet article, je vous raconte ma découverte de la Russie et des femmes russes. C'est un témoignage qui peut, j'espère, donner l'espoir d'un avenir ailleurs pour des hommes qui ne trouvent plus le bonheur chez eux.
La rupture sentimentale
Un dimanche matin gris, où la lumière s’infiltre à peine entre les rideaux tirés.
Dans la chambre, le bruit sec d’une fermeture éclair qui glisse.
Elle est penchée sur sa valise, rangeant méthodiquement ses affaires.
Je suis assis près de la fenêtre, le regard perdu sur le jardin.
Il n’y a plus de mots, juste un silence lourd.
Tout semblait pourtant solide.
Deux carrières bien lancées. Des amis. Des projets. Et cet amour… du moins, je le croyais.
Mais depuis des mois, un sujet rongeait notre couple : les enfants.
J’en voulais, elle ne savait plus.
Au fil du temps, le désaccord est devenu discorde, puis tabou.
Nous avons tenté une thérapie, mais nos phrases sonnaient creux, nos mains ne se rejoignaient plus.
Elle referme sa valise.
Je sens que c’est la fin.
Toute ma vie était bâtie autour d’elle, et en un instant, tout s’effondre.
Je reste là, immobile, à chercher dans ce ciel bas une direction à prendre.
Impossible de rester figé.
Il faut partir.
À 25 ans, j’avais déjà connu l’expatriation.
L’idée de tout quitter pour recommencer ailleurs s’impose naturellement.
Peut-être une fuite… mais vers l’avant.
Où aller ?
Je dresse une liste dans ma tête :
Un pays où je pourrais m’enraciner, trouver un équilibre culturel et spirituel.
L’Afrique francophone, que j’ai aimée, me semble trop éloignée pour m’y installer.
Il me faut aussi un certain confort, et la sécurité.
Et puis, peu à peu, un nom s’impose.
La Russie.
Depuis toujours, je ressens une fascination pour ce pays : ses paysages immenses, sa culture, ses visages graves et fiers.
Son histoire héroïque me captive, surtout son passé militaire — la Seconde Guerre mondiale, Stalingrad, et l’Armée rouge marchant sur Berlin.
La Russie, à mes yeux, c’est l’outsider éternel, celui qui ne plie pas, celui qui défie encore l’hégémonie américaine.
Et soudain, c’est décidé : ce sera là-bas que je me relèverai.

Premiers pas vers la culture russe
Pour m’initier à la culture russe, je décide de rejoindre une association franco-russe en Bretagne.
J’y découvre les bases de la langue et la richesse de sa cuisine traditionnelle — pelmenis, blinis… Rapidement, l’envie de découvrir la Russie sur place devient pressante.
Au sein de l’association, certains évoquent des projets grandioses : le Transsibérien, le lac Baïkal, l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Mais je comprends vite que ce ne sont pas des projets, seulement des rêves. Ils vont en parler des années sans bouger, pas d'offense mais ce sont des rêveurs.
Ma vie professionnelle, façonnée par la gestion de projet, m’a appris une chose : un rêve sans action ne mène nulle part.
Si je veux découvrir la Russie, il faudra que je prépare mon voyage seul.
On me conseille Moscou, mais la ville me semble trop immense, trop intimidante pour un premier pas.
Sotchi, en revanche, m’apparaît comme idéale : ville balnéaire, climat doux, taille humaine, et surtout, cette proximité avec la mer qui me rappelle ma Bretagne natale.
En janvier 2020, tout est prêt : deux semaines à Sotchi pour découvrir la Russie, apprendre le russe et — pourquoi pas — rencontrer une compagne.
Vaste programme.
Le jour du départ, je prends un train jusqu’à Paris, puis un bus vers Charles-de-Gaulle, un vol vers Moscou, et enfin un vol intérieur vers Sotchi.
Dès l’embarquement à Paris, je prends une claque visuelle : les hôtesses de la compagnie nationale russe Aeroflot, élégantes et sublimes, donnent déjà le ton.
L’aventure peut commencer.

L'arrivée en Russie : premières impressions
À mon arrivée à Sotchi, je me sens comme le touriste parfait : un peu perdu, mais émerveillé.
Le ciel bleu est éclatant et je suis sincèrement heureux d’être là.
À peine sorti, un chauffeur de taxi au physique de lutteur géorgien m’aborde pour me conduire à mon hôtel.
Trop fatigué pour marchander, j’accepte sans discuter.
Il est sympathique, me demande d’où je viens, et s’étonne de voir un Français débarquer à Sotchi.
Je bafouille quelques mots en russe ; il me répond en anglais.
Sur le ton de la camaraderie, il me propose de devenir mon chauffeur personnel pendant mon séjour et me tend sa carte de visite. Je la glisse dans ma poche et le remercie.
À l’hôtel, la réceptionniste m’aide à installer sur mon téléphone toutes les applications utiles pour mon séjour.
La chambre, comparée aux standards français, est spacieuse, mais sommairement équipée.
Peu importe : je n’ai pas l’intention d’y passer beaucoup de temps.
La découverte de la Russie ne se fera pas entre quatre murs.

L’école de langue à Sotchi
Dès le lendemain, je commence mes cours de russe dans une petite école privée.
Des classes spéciales ont été ouvertes pour les étrangers désireux d’apprendre la langue.
La directrice m’accueille avec un sourire chaleureux, mais un sens des affaires aiguisé.
Elle me propose immédiatement des suppléments : cours particuliers, excursions…
Je décline poliment. Pour l’instant, je préfère me concentrer sur les cours collectifs déjà réservés.
Nous ne sommes que quatre dans ma classe.
Deux étudiants attirent rapidement ma sympathie.
Le premier : un jeune Espagnol, passionné de football, qui rêve de devenir détecteur de talents dans la zone russophone.
La seconde : une ancienne tenniswoman chinoise, voulant à devenir entraîneuse en Russie.
Tous deux respirent l’équilibre avec des regards francs et sont attentifs au cours. Ils prennent des notes impeccables au crayon quatre couleurs.
Le troisième, en revanche, détonne : un Indien d’une quarantaine d’années, marié à une Russe, qui tente de se faire une place en Russie.
Nerveux, il gribouille ses notes sur des feuilles froissées et ne rate jamais une occasion de se plaindre de la politique tarifaire de l’école, allant jusqu’à traiter la direction d’escrocs.
Le contraste avec les deux sportifs est frappant.
Pendant la pause café, nous commençons à faire connaissance.
Ils me donnent des tuyaux sur les bons plans… et sur les pièges à éviter en ville.
Mais la figure centrale de ces cours, c’est sans conteste la prof : Ksenia.
- Presque 1m80
- 25 ans
- Brune, aux yeux captivants
- Un anglais impeccable, relevé d’un accent russe qui ne gâche rien
Un charme à tomber de sa chaise.
Dès le premier cours, sa présence et son naturel m’absorbent.
Je me force à garder les yeux sur le tableau.
Pas là pour mater la prof… en théorie.

Une routine agréable à Sotchi
Après les cours de russe à l’école, chaque après-midi, je rejoins une salle de sport appelée « Valentin », comme moi.
Perchée sur une colline, elle offre une vue panoramique sur Sotchi et la mer Noire.
Je découvre le sport en Russie : ça pousse sérieusement. Les filles font du squat, les mecs du développé couché — rien de nouveau — mais l’implication est impressionnante. Les mecs sont énormes, les filles n’ont aucun bourrelet. Ça change de la France.
L’ambiance est sympa, mais pas chaleureuse. Personne ne se serre la main, personne ne parle. Je tente de communiquer, mais ça n’accroche pas.
Le soir, place aux rencontres.
Quelques semaines plus tôt, j’avais installé Badoo pour rencontrer des femmes russes.
En France, l’application traîne une mauvaise réputation, souvent associée aux cassos (pardonnez l’expression).
En Russie, elle est utilisée par des gens normaux, mais reste moins populaire que Tinder, déjà dominant sur le marché à l’époque.
Avantage : Badoo proposait la relocalisation gratuite pour discuter avec des personnes d’autres pays.
Avant mon voyage, j’avais donc pu échanger avec plusieurs femmes intéressantes, et leur proposer de nous rencontrer à Sotchi.
Ces rencards m’ont fait découvrir des restaurants locaux, parfois étrangement vides, déclenchant des plaisanteries sur le blanchiment d’argent.
Les rencontres se passent bien, les filles sont sublimes, mais malgré de beaux moments, aucune relation ne se concrétise vraiment.

Tinder en Russie
Un soir — le cinquième de mon voyage — par curiosité, j’installe Tinder et me mets à swiper.
En bon utilisateur français de l’application, j’emploie la technique la moins glorieuse mais la plus efficace : mettre tous les profils à droite. Autrement dit, demander une mise en contact à chaque femme proposée.
Rapidement, mon ego gonfle devant le nombre surprenant de matchs.
En France, mes expériences avaient été mitigées : des filles ordinaires, persuadées d’être des princesses, m’avaient vite lassé.
Ici, à Sotchi, c’est une autre histoire. Les matchs s’accumulent… jusqu’à ce que s’affiche un profil inattendu : celui de ma prof, Ksenia.
Sur sa première photo, elle pose dans un parc, souriante, au naturel.
Sur la seconde, elle est avec son chat et un thé : c’est mignon, authentique, rien d’aguicheur… et j’adore.
Je reste figé. Elle me plaît, c’est évident… mais c’est ma prof.
Et puis je me dis : tant pis. Je swipe à droite… et découvre, stupéfait, qu’elle avait fait de même. C’est un match.
Je fixe l’écran, indécis. Puis surgit un « Bonjour » en français.
Elle a non seulement pris l’initiative de m’écrire, mais elle le fait dans ma langue.
Nous échangeons quelques mots. Je lui demande si cela la gêne, compte tenu de son travail. Elle répond que non, ponctue d’un smiley.
Je lui propose un dîner… pour le soir même. Elle accepte aussitôt.
Pas une minute à perdre : je file acheter un bouquet de fleurs, selon la tradition russe, chez le fleuriste du coin, puis réserve un restaurant japonais sur la corniche.
Le rendez-vous est fixé.

Premier rendez-vous parfait
Dès les premières minutes, une complicité naturelle s’installe. Nous rions de mes maladresses linguistiques, et l’apprentissage du russe se poursuit même à table. Elle m’enseigne un nouveau mot pour impressionner le serveur : « blagodariou » (благодарю) — une formule plus polie et raffinée que le classique « spacibo ».
Le serveur me répond pourtant en anglais, et je comprends alors que la route vers la maîtrise du russe sera encore longue, très longue.
Je suis bien avec elle. Le restaurant est chaleureux, les sushis exquis. Ksenia affirme que le meilleur pays pour manger des sushis, hors Japon, est la Russie. J’aime cette façon de bomber le torse et de célébrer son pays (même si c'est discutable). En France, on nous a appris à faire l’inverse : minimiser nos atouts, dénigrer notre histoire. En l’écoutant, je prends conscience de ce contraste.
Lorsque le repas s’achève, elle prend ma main avec douceur et se lance dans un monologue qui dure plusieurs minutes. Elle évoque avec bienveillance notre rencontre, le destin qui nous a rapprochés, et me restitue, avec une justesse étonnante, tout ce qu’elle a perçu de moi. Elle compare nos blessures passées, souligne nos similitudes.
C’est un véritable moment de connexion : ses mots viennent du cœur et traversent le mien.
Sa brillance intellectuelle m’impressionne. Peu de gens savent écouter, synthétiser et analyser ainsi. Ksenia n’est pas seulement belle — elle est brillante.
Encore pris dans l’émotion, je tente de lui répondre avec la même intensité, avouant mon attirance née dès le premier cours, à la première minute. J’évoque aussi ce destin qui m’a mené à des milliers de kilomètres de chez moi, jusqu’à cette ville, cette école, cette classe.
Je la sens touchée, même si elle s’efforce de le cacher. Sous cette froideur de façade, je perçois une tendresse que je retrouverai plus tard chez de nombreuses femmes russes.
Après le repas, nous déambulons lentement sur le front de mer de Sotchi, bercés par le bruit des vagues. Main dans la main, nous ne parlons plus : seuls nos regards échangent. Nous le savons, nous nous sommes trouvés.
Un premier baiser sous la nuit étoilée de Sotchi.
Le moment est parfait.
Elle est parfaite.

Une relation pleine de promesses
Au fil des jours, notre histoire s’épanouit avec une évidence. Native de Sotchi, Ksenia m’ouvre les portes de sa ville, me faisant découvrir ses recoins authentiques, ses parcs, et ces lieux que seuls les habitants connaissent. Nous partageons des instants de complicité profonde, comme si le temps n’existait plus pour nous.
Pourtant, il s’écoule bien trop vite. L’heure du retour en France approche, et avec elle, ce pincement au cœur. Avant de nous quitter, nous nous faisons la promesse sincère de poursuivre cette histoire à distance, convaincus que nos esprits trouveront mille façons de bâtir un avenir commun.
Mais à peine rentré, le monde bascule. La pandémie de Covid-19 et le premier confinement viennent briser notre élan. Elle, à Sotchi, sans possibilité de me rejoindre. Moi, en France, cloîtré. Les perspectives s’éloignent. Après quelques semaines à chercher désespérément une issue, nous devons nous rendre à l’évidence : il nous faut mettre un terme à cette relation.
Ce fut un peu comme un amour d’été… en plein mois de janvier 2020. Passionnel, intense, mais éphémère.

Rebondir encore une fois
Aujourd’hui, plusieurs années après ce premier voyage, installé en Russie aux côtés d’une autre compagne russe, je mesure pleinement à quel point cette première expérience a été décisive.
Ksenia fut celle qui m’ouvrit réellement les portes de la culture russe : ses femmes, ses codes, son quotidien simple mais empreint de chaleur.
En janvier 2020, ce séjour ne fut pas une simple escapade touristique. Il marqua un tournant profond dans ma vie.
Parfois, une rencontre ou un lieu suffit à orienter toute une trajectoire. Ce premier voyage en Russie fut pour moi cet instant précis, celui où je basculai vers une existence nouvelle, pleine de promesses et d’espérances.
À jamais, je conserverai ces souvenirs : la fraîcheur des premières émotions, l’émerveillement des découvertes, et l’image douce de Ksenia, symbole d’une terre qui m’a tant offert… et à laquelle je suis désormais profondément attaché.

Valentin LE NORMAND
Directeur de l'agence Valentin